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Ces 175 000 Français qui viennent travailler en Suisse

La «Revue dessinée» se penche sur un phénomène qui a pris une ampleur considérable et qui souffre de préjugés tenaces.

Source: Lematin.ch


Les travailleurs frontaliers français, on en croise tous les jours. Quand on en parle dans les médias, c'est souvent via des polémiques xénophobes. Mais connaît-on bien les multiples aspects du phénomène? Cette question, le journaliste français Sébastien Daycard-Heid se l'est également posée en croisant de plus en plus de personnes qui venaient travailler chez nous. «En me penchant sur le sujet, j'ai été surpris par l'ampleur du phénomène: près de 175 000 Français habitant les régions limitrophes de la Suisse ont un emploi dans votre pays. C'est l'équivalent du nombre total de salariés de la SNCF», raconte-t-il au «Matin».

Les situations des frontaliers français varient fortement d'un secteur à l'autre. Le journaliste s'est concentré sur l'un d'eux, l'industrie horlogère dans le bassin neuchâtelois. Un premier reportage est paru en 2017 dans le magazine «Alternatives économiques». Mais, touché par le témoignage d'un frontalier qui lui détaillait son quotidien, Sébastien Daycard-Heid s'est dit qu'il y avait certainement moyen d'en raconter davantage et d'aller au-delà des préjugés tenaces sur ce phénomène. Il a proposé l'idée à «La revue dessinée», magazine qui traite l'actu en BD. Celle-ci l'a mis en relation avec la dessinatrice genevoise Peggy Adam pour illustrer ses propos. «C'était important de collaborer avec quelqu'un vivant en Suisse, pour justement éviter les querelles de clocher.»


Des frontaliers de Bretagne

Ces pages, intitulées «Le bonheur en francs suisses», réservent leur lot de surprises, d'autant que le phénomène, pour important qu'il est devenu, reste passablement méconnu, d'un côté de la frontière comme de l'autre. Ainsi, on apprend que les 12 000 personnes qui franchissent quotidiennement le col de Roches (NE) ne viennent pas que du Doubs, mais aussi de Lorraine, du Nord et même... de Bretagne et de la Côte d'Azur. «Elles ne font pas le trajet tous les jours depuis là-bas, explique Sébastien Daycard-Heid. Ce sont toutes des personnes qui sont venues s'installer dans cette région frontalière après avoir trouvé un emploi en Suisse. Et il y en a beaucoup».

La désindustrialisation française des années 2000 a poussé nombre d'entre eux à venir trouver un job chez nous, qui avions toujours besoin de cette main-d'œuvre. La Suisse ayant décidé de privilégier le travailleur frontalier à l'émigrant qui s'installe sur son sol, les Français ont remplacé aujourd'hui la main d'oeuvre jetable constituée auparavant et successivement par les Italiens, Espagnols, Portugais et Yougoslaves.

Car évidemment, pour les Français, si le SMIC suisse (et particulièrement le neuchâtelois, le plus élevé du monde) peut représenter un Eldorado, il est contrebalancé par des emplois précaires avec des horaires plus chargés qu'en France pour un nombre de semaines de vacances plus bas. Le reportage décrit notamment des conditions de travail en usine ultra -rigides. «Je rappelle que je ne parle que de l'industrie horlogère, ce n'est pas ainsi dans tous les secteurs», précise le journaliste.


Mal aimés des deux côtés

Mais surtout, le frontalier est victime de préjugés persistants, des deux côtés de la frontière. Dans notre pays, les partis populistes les accusent de voler le travail des Suisses ou de provoquer du dumping salarial. Alors qu'en France, on les voit comme des privilégiés, dont le plus haut pouvoir d'achat fait notamment exploser le prix des logements dans les régions limitrophes.

Parmi les autres surprises du reportage, le témoignage de cette femme qui explique «être DRH d'un groupe industriel suisse sans jamais avoir étudié les ressources humaines, ce qui serait impossible en France». Ce groupe aurait-il fermé les yeux sur un manque de formation pour avoir une directrice qui accepte d'être moins payée qu'une Suissesse? «Je ne sais pas si c'est cela, dit le journaliste. Normalement, il n'y a pas de dumping. Cela illustre plutôt le fait qu'en Suisse, les entreprises sont moins hiérarchisées qu'en France et qu'il y est plus facile d'y gravir les échelons grâce à ses qualités plutôt qu'à ses diplômes.»


Mieux coopérer

Si Sébastien Daycard-Heid a fait cette enquête, c'est dans l'espoir que la coopération transfrontalière autour de ce phénomène s'améliore, afin d'éviter les dérapages xénophobes que peuvent provoquer certaines aberrations du système. Comme notamment le problème de l'assurance chômage. Le frontalier français paie ses cotisations en Suisse mais, s'il est licencié, c'est la France qui lui versera ses indemnités, calculées sur son salaire suisse. Depuis 2012, en se faisant tirer l'oreille, la Suisse reverse une partie des sommes touchées à la France. De nouvelles règles européennes sur le travail frontalier devraient entrer en vigueur en 2021. Mais la Suisse n'étant pas dans l'UE, elle négociera les siennes.


Source: Lematin.ch

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