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La Suisse, eldorado des salariés français

Si le chômage recule en France, près de 180 000 Français préfèrent aller travailler en Suisse où les salaires sont deux à trois fois plus élevés. Reportage.


Si le taux de chômage ne cesse de reculer en France, où il a atteint fin 2019 8,1 %, son plus niveau depuis 2008, il est des régions où les salariés préfèrent aller travailler à l'étranger. Comme en témoigne la file de voitures qui, chaque matin, s'étire à Saint-Louis (Haut-Rhin) au poste frontière avec la Suisse où, plus que le plein-emploi (2,3 % de taux de chômage!), c'est le niveau des salaires qui attire, dans un pays où une caissière ou un plongeur peuvent gagner jusqu'à 3000 francs suisses (CHF) par mois, soit 2823 euros!

« Entre la Suisse et la France, il n'y a pas photo, tant en opportunité qu'en salaire », lâche Pierre, un Mulhousien de 36 ans. Depuis quatre ans, cet informaticien travaille à Bâle, où il est deux fois mieux payé qu'en France. Même constat pour Armelle, 34 ans, qui habite Rixheim, près de Mulhouse, et travaille dans une sandwicherie à la gare de Bâle. « Je gagnerais 1300 euros en France. Là, pour un temps partiel, c'est payé 3500 CHF (3291 euros, NDLR). » Sur la quarantaine d'employés, ils sont une dizaine de Français à faire, comme elle, chaque jour la navette.


Au total, près de 180 000 Français travaillent en Suisse, dont 30 000 viennent de la zone alsacienne des Trois Frontières. Ainsi, François fait 40 minutes de trajet depuis Colmar pour diriger à Bâle sa pharmacie installée dans un supermarché. Il y travaille 33 heures par semaine, pour « pouvoir passer deux jours avec les enfants », tout en gagnant « 1000 euros de plus qu'en France ». « Avant, je vivais en Suisse, mais quand ma femme a voulu retravailler, nous sommes revenus vivre à Colmar car, en Suisse, la crèche coûte entre 3000 et 4000 CHF par mois, explique-t-il. C'est beaucoup trop cher… »


Autre motivation, il serait plus facile en Suisse de faire carrière. « J'ai commencé à 17 ans en faisant la plonge et en passant le balai, se souvient Julien Hemmerlin, 34 ans, aujourd'hui chef de rang dans un hôtel suisse 4 étoiles. « Les zeugniss, certificats de travail dans lesquels l'employeur recommande son ancien salarié, sont ici plus importants que le CV », souligne Julien.


Travailler en Suisse, faire ses courses en Allemagne

Pour ses transfrontaliers, l'idéal est d'habiter en France, de travailler en Suisse et de faire ses courses en Allemagne. Outre-Rhin, « les courses pour quatre personnes me coûtent 175 euros en Allemagne, contre 300 euros en France », calcule Pascal Iggert, salarié chez Novartis à Bâle depuis 28 ans.

Mieux, avec son salaire d'environ 6500 CHF (6123 euros) et grâce à une avance de 100 000 euros sur sa future retraite suisse, ce père de famille de 58 ans s'est offert une maison près de Mulhouse. « C'est bien moins cher ici et je n'avais pas envie de vivre à Huningue ou Saint-Louis, qui sont devenues des cités-dortoirs à cause des frontaliers. »

Revers de la médaille (en chocolat suisse), les hauts salaires suisses font flamber les prix de l'immobilier de ce côté-ci de la frontière. Une maison de 350 m2 à Saint-Louis s'affiche à 1,2 million d'euros et un appartement vieillot de 54 m2 « idéal frontalier » à 118 000 euros.


« Bien faire ses calculs »

« Tout le monde voudrait travailler en Suisse, mais le problème, c'est la langue… », regrette un jeune conseiller bancaire. Contrairement aux anciennes générations, les jeunes ne maîtrisent pas l'alsacien, très proche de l'allemand et du dialecte suisse parlé dans la région.


Pour autant, tout n'est pas rose pour les frontaliers. « Quand le salaire est une fois et demie plus élevé qu'en France, il faut bien faire ses calculs », prévient l'association des transfrontaliers franco-suisses. Car il faut soustraire les frais de transport, l'assurance maladie et la mutuelle sans la part employeur, ainsi que les impôts. « Selon les cantons, on est imposé soit en France, soit en Suisse, détaille l'association. Pour l'assurance maladie, il faut choisir entre l'assurance suisse obligatoire privée et la sécurité sociale française facturée 8 % de leur revenu aux frontaliers, soit plus chère qu'en France. »

Autres facteurs à prendre en compte : le temps de travail, qui, en Suisse, peut légalement atteindre 50 heures par semaine et le départ en retraite, fixé à 64 ans pour les femmes et même 65 ans pour les hommes.


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